Avec les technologies spatiales et aériennes, les recherches archéologiques font des progrès considérables dans des régions parfois austères. Une équipe de chercheurs s’est basée sur la technologie SAR des satellites Sentinel pour tenter de percer la canopée d’une jungle d’Amérique centrale.


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    Les jungles d'Amérique centrale cachent bien des secrets que les explorateurs et les archéologues tentent de percer depuis maintenant des siècles. Le développement de technologies aériennes et spatiales a permis d'offrir de plus vastes visions d'ensemble aux chercheurs. Le 8 février 2024 paraissait une étude dans Nature, qui pourrait bien jalonner le futur des sciences archéologiques. En exploitant la technologie offerte par le double satellite Sentinel-1, les chercheurs ont réussi à obtenir des données encourageantes sur un site situé au Bélize, réussissant à percevoir des structures dissimulées par la végétation.

    Le futur de l’archéologie est… dans l’espace ?

    Les fouilles terrestres sont la principale composante de l'archéologie, depuis la naissance de la discipline. Mais les chantiers s'avèrent souvent longs, coûteux et pas systématiquement fructueux. Depuis maintenant plus de vingt ans, des équipes d'universitaires se tournent vers la technologie Lidar (pour Light Detection and RangingLight Detection and Ranging)), inventée dans les années 1960 et exploitant divers aéronefs, du drone à l'avion en passant par l'hélicoptère. Divers instruments viennent calibrer la position de l'appareil en vol sur le plan géographique. Est alors envoyé un signal laser depuis l'aéronef qui vient « rebondir » contre les surfaces au sol, l'écho est ensuite renvoyé vers un capteurcapteur qui réceptionne différentes données : topographie, densité de végétation, présence de constructionsconstructions artificielles...

    Sentinel-1, composé de Sentinel-1A et 1B, est en orbite héliosynchrone, offrant plusieurs angles aux archéologues exploitant ses données. © Michenot and al., Nature
    Sentinel-1, composé de Sentinel-1A et 1B, est en orbite héliosynchrone, offrant plusieurs angles aux archéologues exploitant ses données. © Michenot and al., Nature

    Le problème du Lidar est son coût. L'utilisation d'une telle technologie dans des lieux aussi vastes que les forêts sud-américaines peut se révéler particulièrement cher. Partant de ce postulat, des universitaires de CentraleSupélec se sont tournés vers l'orbite basse et plus précisément Sentinel-1. Faisant partie de la constellationconstellation de satellites intégrés au programme Copernicusprogramme Copernicus, Sentinel-1 s'est révélé particulièrement utile ces dix dernières années dans sa mission d'observation terrestre.

    Une sentinelle à la recherche de cités perdues

    Les chercheurs ont élaboré une technique en se basant sur les capacités de la paire Sentinel-1A et Sentinel-1B. Ces derniers usent la Synthetic Aperture Radar ou SAR : un capteur installé sur le satellite émet des ondes, de façon analogue au Lidar, ces ondes se réfractent vers le satellite pour être captées par l'appareil. Mais le Lidar est restrictif sur l'aspect spatial, tandis que le duo Sentinel-1 peut couvrir une plus grande aire. Les universitaires ont d'abord observé les informations acquises par les satellites lors de leurs passages au-dessus de deux endroits vierges de végétation : la pyramide de Teoticuhan au Mexique et des bâtiments à Saint-Martin-de-Crau, en France. Avec une orbite héliosynchronehéliosynchrone, les satellites se croisent lors de leurs transitstransits respectifs vers le pôle Nord ou le pôle Sud, que l'étude nomme « chemins ascendants » ou « chemins descendants ». Ces deux voies empruntées par Sentinel-1 offrent aussi deux angles différents pour observer les lieux visés.

    Le site de Lamanai abrite de nombreux bâtiments, dont certains dissimulés par la forêt. © CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
    Le site de Lamanai abrite de nombreux bâtiments, dont certains dissimulés par la forêt. © CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons

    Les scientifiques se sont ensuite tournés vers un site archéologique situé au nord du Bélize, nommé Lamanai. Ces vestiges méso-américains sont excavés au cours du XXe siècle, les archéologues ayant retrouvé plusieurs bâtiments ainsi qu'une pyramide, le Grand Temple. Cette structure est visible depuis l'espace grâce à l'imagerie satellite, mais certaines bâtisses sont dissimulées par la jungle, fournissant un cadre varié pour les observations de Sentinel-1. Et sous la canopéecanopée, les données permettent de mettre en évidence les structures dissonantes avec la topographie du terrain. Sur plusieurs cartes obtenues grâce à Sentinel-1, on observe des pixelspixels rouges pigmentant une carte globalement verte. Les observations de la dyade Sentinel ne permettraient pas d'affirmer la présence de constructions humaines enfouies dans la jungle. Mais la technologie SAR permet effectivement de souligner les irrégularités du terrain. En combinant le SAR, le Lidar et les fouilles au sol, les résultats pourraient s'avérer particulièrement probants. L'archéologie serait bien en passe de se doter d'un outil redoutablement efficace.